Maladie hériditaire : l’hémophilie n’est pas une « fatalité »

Quatre-vingt-quatorze personnes sont atteintes d’hémophilie, à Maurice. Connaître et comprendre le mécanisme de ce problème de coagulation du sang peut permettre de prévenir et mieux vivre avec cette pathologie héréditaire.
« Être hémophile n’est pas une fatalité. » C’est ce qu’a affirmé la docteure Radhika Jagatsingh, pédiatre exerçant dans le privé, sur le plateau de l’émission Allô Docteur de Radio Plus. C’était dans le cadre de la Journée mondiale de l’hémophilie observée le mardi 17 avril. Connaître et comprendre l’hémophilie rend plus fort, a expliqué le médecin.
L’hémophilie est un trouble de coagulation. Lorsqu’une personne hémophile saigne, son sang ne coagule pas normalement. « Le saignement ne s’arrête pas ou prend plus de temps en raison d’un manquement au niveau des facteurs de coagulation qui sont des protéines », a expliqué la docteure.
Il existe deux types d’hémophilie : A et B. Chez les personnes hémophiles A, une protéine de coagulation appelée facteur 8 est absente ou insuffisante. Chez les personnes atteintes d’hémophilie B, une protéine de coagulation appelée facteur neuf est absente ou présente en quantité insuffisante. Ce trouble hémorragique est très semblable à l’hémophilie A, mais est beaucoup moins courant.
Quand la coagulation ne s’effectue pas comme il faut, cela peut engendrer plusieurs problèmes. « L’hémophilie est une maladie invalidante car les microtraumatismes peuvent donner des saignements, d’où l’importance de la prévention afin que les patients puissent mener une vie correcte », a expliqué la pédiatre. Le risque d’avoir des hématomes est plus élevé chez les enfants qui, en jouant, peuvent se blesser sans y accorder une grande importance.
Si le saignement est au niveau du doigt, par exemple, il faut y appliquer une pression pendant au moins trois minutes, le temps que les différents facteurs de coagulation se mettent en place pour arrêter le saignement, Selon la docteure Radhika Jagatsingh. Toutefois, si la personne a eu un coup et que le saignement est à l’intérieur, il est impossible de savoir ce qui se passe.
« C’est encore plus difficile quand c’est au niveau d’une articulation. La personne peut ne pas savoir qu’elle est en train de saigner. » Et d’ajouter que lorsqu’une personne hémophile a des saignements au niveau de la tête, cela peut être extrêmement grave. Idem pour les femmes au moment de leurs règles.
Certaines personnes peuvent aussi en être atteintes sans le savoir, selon la pédiatre Radhika Jagatsingh. D’où l’importance de mener des campagnes d’information à ce sujet, indique-t-elle. Elle fait d’ailleurs partie des membres fondateurs de l’Haemophilia Association of Mauritius (HAM) et estime que l’ONG a beaucoup contribué à mieux faire connaître cette pathologie et a permis le dépistage des personnes. Beaucoup a été fait également pour la sensibilisation de la population afin qu’elle puisse identifier les signes de ce trouble de coagulation qui est une pathologie héréditaire.
À ses débuts en 2008, l’HAM accueillait une quinzaine de patients, contre près d’une centaine aujourd’hui. L’ONG espère toucher tous ceux qui souffrent de cette pathologie, à Maurice, mais qui l’ignorent. Asraf Caunhye, président de l’HAM, a affirmé qu’une personne sur 10 000 est atteinte d’hémophilie, selon les statistiques sur la maladie dans le monde. Ainsi, Maurice devrait compter environ 120 patients. Il a souligné que l’HAM est là pour les encadrer et les soutenir dans leur maladie.
La pédiatre a fait ressortir que c’était mieux de pouvoir traiter une personne depuis son enfance. « Sans traitement, ce sont des jours ou des mois d’hospitalisation qui attendent le patient. » Et d’expliquer que dans certains cas, le patient doit rester immobile jusqu’à l’arrêt du saignement. Ce qui est une situation difficile, tant pour lui que pour ses proches. Cela peut aussi avoir un impact financier sur la famille, si le patient est en arrêt maladie et ne peut travailler.
Il existe aussi des séquelles plus lourdes, selon la docteure Radhika Jagatsingh. Par exemple, certaines personnes finissent en fauteuil roulant car elles ne peuvent plus marcher. « L’hémophilie peut être une maladie invalidante. C’est la raison pour laquelle il est bon de la dépister, chez les enfants en particulier, afin qu’ils bénéficient d’une meilleure prise en charge et d’un traitement préventif. »
Les bleus qui apparaissent en attrapant le bras d’un enfant sont une indication qu’il est peut être atteint d’hémophilie, a expliqué la pédiatre. « Ce n’est peut être rien, mais il faut néanmoins s’enquérir de la situation quand on le remarque. » Lorsqu’un hématome gonfle et qu’il est accompagné de douleurs, surtout pendant la nuit, il faut consulter et faire un bilan biologique pour mieux cerner le problème, conseille-t-elle.
Traitement
L’hémophilie ne se guérit pas, mais elle se contrôle bien grâce aux traitements substitutifs. Le traitement consiste en l’administration de facteurs de coagulation manquants. Ceux-ci doivent être délivrés dans la circulation sanguine par injection intraveineuse.
Chaque personne atteinte d’hémophilie a un bracelet qui permet de l’identifier. En appelant un numéro, le personnel soignant peut avoir des informations sur le type de traitement à administrer au patient.
Les filles rarement concernées
L’hémophilie est une maladie génétique héréditaire, qui se transmet par le chromosome X, où se situent les gènes incriminés.
N’ayant qu’un exemplaire de ce chromosome, les garçons sont systématiquement malades à partir du moment où ils héritent d’un gène muté. Les filles, elles, possèdent deux chromosomes X et elles ne sont malades que si elles héritent de deux chromosomes X portant chacun un gène muté. Cette situation est très rare.
Hémorragie et hémophilie
Il faut faire une distinction entre l’hémorragie et l’hémophilie. Une personne qui se blesse et qui saigne ne souffre pas d’hémophilie. L’hémophilie est une pathologie qui entraîne un saignement grave à l’intérieur du corps du patient.
Une association pour encadrer les malades
Depuis sa création, l’Haemophilia Association of Mauritius encadre et accompagne les personnes atteintes d’hémophilie ainsi que leurs proches. Un soutien psychologique est aussi proposé en cas de besoin. L’ONG a aussi pour objectif de sensibiliser la population.
L’hémophilie étant une maladie rare, nombreux sont ceux qui ne savent pas ce dont il s’agit. Afin d’avoir des informations sur l’hémophilie, il est possible d’appeler le numéro suivant : 52507412.