Cigarette électronique: un analogue de la nicotine dans le collimateur d’une association antitabac

Des poursuites pour publicité illicite contre un fabricant de produits de vapotage: le Comité national contre le tabagisme (CNCT) annonce lundi attaquer en justice Aroma King pour contrer une nouvelle substance que l’association considère potentiellement plus addictive que la nicotine classique.
Avec pour thème, cette année, “Levons le masque !”, la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai, visera à mettre en lumière les stratégies des industriels du tabac et de la nicotine pour “rendre leurs produits plus attrayants, en particulier pour les jeunes”, souligne cette association antitabac.
Elle pointe ainsi “l’émergence et la promotion préoccupantes” de la 6-méthyl-nicotine ou métatine, un analogue de la nicotine -un composé à la structure chimique proche-, identifié dans certains produits de vapotage vendus en France et ailleurs en Europe depuis début 2024.
Le CNCT, qui a récemment fait condamner pour “publicité illégale” les cigarettiers British American Tobacco et Philip Morris, a décidé de poursuivre pour le même motif devant la justice la société Aroma King, qui vend des produits contenant cette nouvelle molécule, présentés “comme innovants, sans tabac ou sans nicotine” sur son site internet.
Le site promeut les produits “NoNic” comme une “alternative plus saine et plus sûre pour les vapoteurs”, ce qui “n’est absolument pas vérifié du point de vue médical”, souligne Me Hugo Lévy, avocat du CNCT. Il “met en valeur et incite à l’achat d’un produit du vapotage: cela tombe manifestement sous le coup des dispositions du Code de la santé publique qui interdisent la publicité pour les produits du vapotage”, précise-t-il à l’AFP.
Et l’appellation “NoNic”, assortie de la mention: “Ne contient pas de nicotine”, est susceptible “d’induire les consommateurs en erreur quant à la sécurité et le contenu” de ces produits, estime l’association.
Peu étudiée car d’apparition récente, la 6-méthyl-nicotine pourrait endommager davantage les cellules pulmonaires et son potentiel addictif serait jusqu’à trois fois supérieur à celui de la nicotine, selon des études précliniques, rapporte le CNCT.
“Il y a un risque d’une dépendance qui viendrait plus facilement, mais on n’en a pas la certitude, il y a des études à faire, sachant que la nicotine est déjà l’une des substances les plus addictogènes qu’on connaisse: elle l’est davantage que l’héroïne”, expose à l’AFP Anne Batisse, cheffe du centre d’addictovigilance de Paris.
“Le problème de ces nouveaux produits de synthèse, c’est qu’ils n’ont jamais été étudiés, ou très peu, chez l’animal, donc en gros, le cobaye, c’est l’homme”, ajoute-t-elle.
– Contourner les réglementations –
Pour le CNCT, la 6-méthyl-nicotine permet à l’industrie du tabac de “contourner les réglementations limitant les concentrations maximales de nicotine et la capacité des réservoirs des dispositifs de vapotage”, entraînant un public “jeune et vulnérable” vers une dépendance à ses produits.
Car l’emballage attrayant et les arômes sucrés (muffin, cola glacé, tabac bonbon, mangue glacée, pêche glacée, bonbons arc-en-ciel…) des produits NoNic ciblent les adolescents.
Aux Etats-Unis, les fabricants de produits contenant de la 6-méthyl-nicotine “utilisent des arguments de pur marketing: sans nicotine, sans tabac, avec un meilleur goût, meilleur pour l’environnement puisqu’on n’a pas besoin de planter des champs de tabac, ça peut aider à l’arrêt du tabac…”, relève Mme Batisse.
Des stratégies proches de celles utilisées pour les e-cigarettes et les sachets de nicotine, note le CNCT, renforcées par une promotion sur les réseaux sociaux, dont TikTok, par des influenceurs qui les assimilent à un stimulant comme le café, améliorant concentration ou performances sportives.
En 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alerté sur le fait que la réglementation de nombreux pays, axée sur la nicotine, pourrait être contournée par les fabricants grâce aux analogues et a recommandé de combler les lacunes pour mieux encadrer les pratiques du secteur.
“C’est ce que nous demandons en France, parce que les industriels ont déjà dans leurs cartons un tas d’autres analogues de la nicotine: il faut tous les interdire pour ne pas entrer dans une course entre les fabricants et la loi”, dit à l’AFP Yves Martinet, président du CNCT.