Yeux : ces maladies qui nous guettent
Nos yeux sont nos guides. Sans eux, la vie serait différente, mais ils ne sont pas à l’abri de certaines maladies. Il est donc important d’en prendre soin. Julien Desjardins, optométriste chez Mathieu Opticiens et le docteur Remy Julienne, ophtalmologue, parlent de certaines maladies qui affectent les yeux.
La conjonctivite est allergique dans 99 % des cas
La conjonctivite est une inflammation de la conjonctive, membrane qui recouvre la partie blanche de l’oeil et l’intérieur des paupières. Elle peut avoir plusieurs causes et elle est, en général, due à un virus (adénovirus) et une bactérie (staphylocoque, streptocoque, pneumocoque, Haemophilus). Il existe aussi des conjonctivites d’origine allergique qui représente 99 % des causes des cas. « La conjonctivite est connue du grand public, cependant, dans la majorité des cas, elle est souvent bénigne, mais doit être traitée », explique le Dr Remy Julienne, ophtalmologue. La conjonctivite infectieuse est le plus souvent causée par une bactérie qui infecte l’oeil causant des sécrétions.
L’oeil deviendra purulent et très rouge. Dans le cas de la conjonctivite virale, elle est le plus souvent associée à une grippe par épidémie et peut surgir tout le long de l’année. Le traitement de la conjonctivite est assez simple. « La conjonctivite virale va guérir d’elle-même ou avec des antiseptiques ». Elle s’atténuera progressivement. La conjonctivite bactérienne sera, elle, traitée avec des gouttes et des antibiotiques et dure quelques jours aussi. Dans des cas plus rares, lors d’une grosse inflammation liée à la conjonctivite infectieuse, une grande quantité de sécrétion dans l’oeil peut causer des peaux blanchâtres et des phénomènes de fibrose et de cicatrisation au niveau de la conjonctive.
Cette complication nécessitera un suivi en cabinet pour enlever ces peaux de l’oeil. « Il y a certaines formes de kérato-conjonctivite virale qui feront apparaître des opacités cornéennes et peuvent faire chuter la vision. Ces opacités sont difficiles à enlever et nécessitent un traitement qui dure plusieurs mois. » La conjonctivite allergique peut durer toute l’année ou être saisonnière et causée par certains allergènes. « Les traitements sont très souvent chroniques et dureront plusieurs mois, voire plusieurs années. »
Dégénérescence maculaire : Quand l’âge fait défaut
La macula est la zone centrale la plus importante de la rétine. La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie provoquée par une dégénérescence progressive de la macula. Liée au vieillissement, la DMLA apparaît à partir de 60 – 65 ans, mais la majorité des personnes âgées sont touchées dès 75 ans. « Le tissu rétinien produit des déchets qui sont évacués par l’épithélium pigmentaire, soit la couche juste en dessous et avec le vieillissement de la macula, cette couche, qui joue l’éboueur de la rétine, accumule les déchets entraînant une certaine toxicité causant des problèmes », selon le Dr Rémy Julienne.
Il existe deux formes de DMLA : la forme sèche et la forme humide. La forme sèche est une forme qui évolue très lentement, soit sur des années et pour laquelle, il n’y a pas de traitements permettant de guérir ou freiner l’évolution. La forme humide se manifeste de manière subaiguë. En quelques jours ou quelques semaines, le patient constatera une baisse de vision, aura la perception des lignes déformées et distinguera un côté gris sur son point de fixation, notamment lorsqu’il fait la lecture. « La forme humide de la DMLA nécessite un traitement onéreux, mais efficace. Il s’agit d’injections intravitréennes. Ces médicaments injectés permettront de boucher les vaisseaux malades qui produisent de l’eau et du sang dans la rétine. Ce sont malheureusement des traitements coûteux », souligne le Dr Remy Julienne.
Ce traitement ne guérira pas la maladie, mais il aura un effet suspensif et le problème réapparaîtra après un certain temps. « C’est une maladie grave, car si rien n’est fait, la rétine se dégénère très rapidement causant des dégâts irréversibles et laissera des cicatrices au niveau de la rétine au bout de semaines, voire des mois. » Selon l’ophtalmologue, l’outil ayant permis de révolutionner la prise en charge de cette maladie est l’OCT (tomographie de cohérence optique) une imagerie au laser de la rétine qui donne une résolution et une image de qualité.
Cataracte : un suivi régulier recommandé
La cataracte est la première cause de cécité dans le monde et ce sont souvent les personnes âgées de plus de 65 ans qui sont les plus touchées. La cataracte est l’opacification partielle ou totale du cristallin, lentille convergente située à l’intérieur de l’oeil. Cette opacification est responsable d’une baisse progressive de la vue, au début accompagnée de gêne à la lumière (photophobie). « Une personne atteinte de cataracte a souvent l’impression d’avoir un voile sur les yeux, car son cristallin perd de sa transparence », explique Julien Desjardins, optométriste chez Mathieu Opticiens. Certains cas de cataracte sont aussi dus à la surexposition au soleil (UV) et à d’autres maladies, à l’exemple du diabète.
Certaines mesures préventives, comme un suivi régulier et une protection des yeux au travail et durant les loisirs permettent de ralentir légèrement le développement de ce trouble. « Cependant, l’opération chirurgicale est l’unique traitement possible », dit-il.
Rétinopathie diabétique : un véritable fléau
La rétinopathie diabétique est un véritable fléau en ophtalmologie à Maurice, indique l’ophtalmologue Remy Julienne. « Je vois quasiment chaque jour à ma consultation, un patient touché par un stade avancé de la rétinopathie diabétique, car Maurice figure dans le Top 5 des pays les plus touchés par le diabète. » Il déplore, en effet, le manque d’informations liées à cette maladie qui touche de nombreux Mauriciens. « Les gens ne savent pas que le diabète des yeux peut entraîner la cécité oculaire. »
Le diabète touche les yeux, soit par la rétinopathie diabétique et la maculopathie diabétique. La rétinopathie diabétique est un phénomène de manque d’oxygène de manière chronique au niveau de la rétine. Des mécanismes de compensation se mettent alors en place avec de nouveaux vaisseaux sanguins qui grandiront sur la rétine dans le vitré et ces néovaisseaux engendrent des complications telles qu’une hémorragie, un décollement de la rétine ou un glaucome néovasculaire.
Le traitement au laser
La rétinopathie diabétique se dégrade graduellement sans s’en rendre compte. « La vision s’aggravera progressivement au fil des mois et des années, car la vision centrale peut être longtemps épargnée puisque la maladie se développe à la périphérie de la rétine jusqu’au jour où la vision baissera brutalement. » Une fois que la maladie atteint un certain stade, la rétinopathie diabétique sera traitée au laser, traitement accessible dans les hôpitaux publics et les cabinets privés. Le traitement au laser est indispensable pour stopper l’évolution et éviter que les choses ne s’aggravent, indique l’ophtalmologue. Ce traitement au laser n’aura pas pour but d’améliorer la vue, mais plutôt d’éviter que le diabète ne prolifère et affecte davantage l’oeil. « Si tous les patients pouvaient être dépistés et traités au laser au moment opportun, cela éviterait 90 % à 95 % de cécité liée au diabète. »
La maculopathie diabétique est causée par l’apparition d’un oedème à la macula, soit de l’eau qui infiltre la macula et entraîne une baisse de vision qui peut être sévère et après plusieurs mois ou années, engendrer une dégénérescence de la rétine. Cette maladie nécessite une analyse du fond d’oeil et OCT de la macula. Le traitement, qui consiste à faire des injections intravitréennes, est onéreux. Il varie entre Rs 15 000 et Rs 200 000 pour l’injection. Les traitements et le suivi ne sont pas les mêmes dans le cas de ces deux types de maladies. « Le patient diabétique doit impérativement avoir une surveillance annuelle, notamment un dépistage et un examen du fond d’oeil. Le rythme de surveillance sera adapté en fonction du stade de la maladie. Une opération sera nécessaire pour sauver l’oeil et les résultats dépendront du stade de gravité du patient ».
Le glaucome : la maladie silencieuse
Le glaucome est une maladie fréquente pouvant engendrer la cécité de la vue. C’est aussi une maladie silencieuse qui se développe insidieusement. « Le glaucome est une maladie oculaire dégénérative qui affecte le nerf optique et entraîne une réduction progressive et irrémédiable du champ de vision. Comme un ballon trop gonflé, la pression de l’oeil va écraser les fibres optiques qui constituent le nerf optique transmettant des informations au cerveau. Cette pression cause la perte de ces fibres de manière accélérée et baisse la vision jusqu’à la perte de vue. » Les causes du glaucome sont multifactorielles et de nombreuses maladies oculaires peuvent causer le glaucome.
L’hérédité figure parmi les causes. « Si vos parents ou frères et sœurs souffrent de glaucome, les risques sont multipliés. Il est nécessaire de faire un dépistage tous les cinq ans », fait ressortir le Dr Remy Julienne. Lorsqu’un individu décèle certains symptômes du glaucome, la maladie est souvent déjà à un stade très avancé. Le glaucome touche le plus souvent les patients âgés, mais il existe aussi le glaucome congénital qui apparaît dès la naissance. Dans ce cas, une prise en charge est faite assez rapidement. « Le glaucome de l’adulte âgé va évoluer lentement, progressivement et insidieusement. Il peut être contrôlé, mais ne peut pas être guéri. » Cette maladie peut être dépistée lors d’une visite chez l’optométriste qui évaluera l’état de votre nerf optique. En cas de tension trop forte, tout un bilan devra être effectué pour déceler le glaucome et le traitement nécessaire.
Le traitement du glaucome est standardisé, selon le spécialiste de la rétine. « C’est un traitement médical composé de collyres et de plusieurs types de médicaments qui viseront à faire baisser la tension. Dans d’autres situations quand le traitement médical ne suffit pas, il existe des traitements au laser ou des traitements conventionnels chirurgicaux. » Une batterie d’examens pour s’assurer que tout va bien est nécessaire chaque six mois : examen de la tension, du nerf optique, de l’OCT du nerf optique et des examens du champ visuel. La dégradation de la maladie se manifeste par le champ visuel qui s’altère. Il est grignoté progressivement de la périphérie vers le centre allant même jusqu’à causer une vision tubulaire et même la cécité complète.
Poches sous les yeux : privilégier un mode de vie sain
Les poches sous les yeux n’ont pas de rapport direct avec le fonctionnement des yeux. Elles peuvent être transitoires au réveil ou bien s’installer plus durablement lors du vieillissement. « L’âge et le vieillissement de la peau qui l’accompagne et/ou le déplacement des tissus graisseux sont une des causes principales de l’apparition des poches sous les yeux. Quel que soit le facteur déclencheur de ces poches sous les yeux, le phénomène de gonflement est dans l’ensemble dû à une mauvaise circulation sanguine ou à un dérèglement des tissus lymphatiques », explique Julien Desjardins. Afin de ralentir, voire d’empêcher l’apparition des gonflements et des poches, un mode de vie sain et équilibré est une étape-clé.
Stress, fatigue, tabac, alcool et excès en tous genres sont autant de facteurs néfastes pour votre regard. À l’inverse, commencer par bien dormir est primordial pour éviter les yeux bouffis au réveil, mais l’alimentation joue aussi un rôle prépondérant. Si les poches persistent, de nombreuses compagnies de cosmétiques offrent des crèmes et des lotions pour atténuer l’effet de gonflement de la peau. Chez les personnes âgées, lorsque les poches sous les yeux sont associées à un gonflement des paupières supérieures et gênent la vision un traitement chirurgical peut être envisagé pour réduire l’excès de graisse.
Décollement de la rétine : une condition rare
Le décollement de rétine est une condition rare de l’oeil qui se manifeste par une déchirure de la membrane située au fond de l’oeil et qui capte la lumière. Elle peut mener à la cécité, si elle n’est pas traitée rapidement. Les facteurs qui augmentent le risque de décollement de rétine sont : la forte myopie (car ces personnes ont la rétine plus fine que la normale), le diabète (l’excès de glucose a tendance à endommager la rétine et les vaisseaux sanguins qui s’y trouvent – rétinopathie diabétique), un âge avancé, ainsi que l’hypertension artérielle sévère (qui cause des saignements au niveau de la rétine, l’affaiblit, et augmente ainsi la probabilité de décollement). D’autres facteurs notables sont le traumatisme oculaire ou crânien ou même des antécédents familiaux. L’apparition d’un décollement de rétine est le plus souvent soudaine, indolore et invisible à l’oeil nu.
Les signes alertant un décollement de rétine
- L’apparition d’un voile noir sur l’ensemble ou une partie du champ visuel de l’œil concerné.
- L’apparition d’éclairs lumineux, de flotteurs, des déformations de l’image, une vision floue ou embuée, brouillardeuse, voire une perte totale de la vue.
- L’atteinte ne concerne, en général, qu’un seul oeil.
- En cas d’apparition soudaine de n’importe quel signe diminuant brusquement le champ visuel ou la vision, il est conseillé de consulter le plus rapidement possible un ophtalmologiste.
Orgelet : infection bénigne
Julien Desjardins indique qu’un orgelet est une infection bénigne qui se forme au niveau des glandes présentes dans les paupières. « L’orgelet n’est pas dommageable pour l’oeil et n’est pas contagieux. Plus inesthétique que problématique, il peut parfois créer une sensation d’inconfort ou de douleur », dit-il. En plus, de l’inconfort et de la douleur, un orgelet peut causer les symptômes suivants : une enflure de la paupière, un larmoiement, une sensibilité à la lumière et une sensation de grain de sable dans l’oeil.
« L’infection disparaît habituellement d’elle-même après environ une ou deux semaines. Pour favoriser une guérison plus rapide de l’orgelet, appliquez une compresse tiède sur l’oeil atteint », ajoute l’optométriste. Il conseille d’éviter de le gratter, de porter des lentilles cornéennes ou du maquillage tant que l’orgelet n’a pas disparu. Une pommade ophtalmique contenant un antibiotique peut être prescrite dans certains cas. « La plupart du temps, les orgelets sont sans gravité, ni conséquence. Toutefois, il peut arriver qu’ils s’aggravent ou se compliquent et dans ce cas, une petite intervention peut être nécessaire pour s’en débarrasser. Il est mieux de consulter un spécialiste pour avoir un avis médical approprié », recommande Julien Desjardins.
Dossier réalisé par CAROLINE DUVAL-PAUL et RAJMEELA SEETAMONEE