Journée mondiale de la contraception : 6 questions sur la pilule
Faut-il se méfier des effets secondaires de la pilule contraceptive ? Que penser des nouvelles avancées comme le gel contraceptif sans hormone ou la pilule pour homme ? A l’occasion de la journée mondiale de la contraception qui se tient ce jeudi 26 septembre, faisons le point sur les questions fréquemment posées à propos de la pilule, avec l’éclairage du médecin et essayiste Martin Winckler.
Depuis plusieurs années, et notamment depuis le scandale des 3e et 4e générations en 2012, la pilule a mauvaise presse. De plus en plus de femmes l’abandonnent par crainte des effets secondaires (prise de poids, acné, baisse de libido etc). Concrètement, quels sont les risques ?
Martin Winckler : “Les effets indésirables graves (phlébite, embolie) sont rares et concernent peu de femmes. Ils surviennent la première année de prise. Les autres effets concernent beaucoup plus d’utilisatrices et peuvent survenir à n’importe quel moment, car une femme peut tolérer une pilule à 20 ans et moins bien à 35.
Autrement dit : chaque utilisatrice est en droit d’essayer une pilule et d’en changer si elle ne la tolère pas bien, quelle que soit la nature de cette intolérance. C’est à elle de décider, pas au médecin. Or, jusqu’à présent, beaucoup de femmes dépendent du bon vouloir du médecin à qui elles s’adressent. Ce qui explique aussi la décision de ne plus utiliser la pilule.
Un mode de vie sain permet-il de réduire les éventuels effets indésirables ?
M.W : Non, il n’y a pas de modifications du mode de vie qui rendent la tolérance meilleure. Cela voudrait dire que les femmes sont “responsables” de la manière dont elles réagissent à un médicament, ce qui est un non-sens. On ne sait pas à l’avance comment un individu tolérera un médicament.
L’une des craintes dans l’utilisation prolongée de la pilule contraceptive est qu’elle réduise la fertilité. Qu’en est-il ?
M.W : La fertilité des femmes est modifiée par le fait qu’elles utilisent une contraception au lieu d’être enceintes à tout bout de champ. Il est certain que les femmes françaises d’aujourd’hui ont rarement 4 ou 5 enfants comme c’était le cas dans les années 50. Mais c’est lié à leur choix de vie, pas à la pilule.
Cela étant, il arrive que des femmes ayant une fertilité faible commencent la pilule avant d’avoir leur premier enfant. Elles ne savent donc rien de la probabilité d’être enceinte avant d’essayer. Et deux fois sur trois, l’infertilité vient du couple ou du partenaire, pas de la femme…
Mais de toute manière, si une femme ne veut pas prendre d’hormones sexuelles, elle n’a pas à justifier pourquoi. On peut lui dire que sa fertilité n’en souffrira pas, mais ça reste à elle de décider ce qu’elle fait de cette information.
Prendre la pilule en continu permet-il de mieux se protéger d’une grossesse non désirée que faire une pause de 7 jours entre deux plaquettes ?
M.W : Oui, et on le sait depuis toujours. C’est la semaine d’arrêt qui, d’une part, favorise les oublis et, d’autre part, les ovulations, en début de plaquette. Même un arrêt de 4 jours au lieu de 7 augmente l’efficacité de la pilule.
Que penser des nouveaux moyens de contraception, notamment ceux sans hormone (gel Amphora) ?
M.W : Qu’on manque de recul pour dire quelle est leur fiabilité, qui dépend beaucoup de la manière dont ils sont utilisés. Plus une méthode demande des manipulations, plus le risque d’échec augmente. C’est pour ça que les préservatifs, en principe très efficaces en théorie, le sont moins dans la pratique. Il en va de même pour les gels spermicides, dont Amphora fait partie.
De plus, ces gels ont des effets indésirables spécifiques (irritation, allergies, etc) et quand on met une méthode nouvelle sur le marché, accessible à des milliers de femmes, on voit apparaître des effets indésirables rares, non prévisibles par les études, ainsi que… des grossesses.
En un sens, les utilisatrices d’un produit nouveau sont des cobayes. Si j’étais une femme, j’attendrais au moins cinq ans avant d’utiliser Amphora, histoire d’en savoir plus. Le recul est très important dans ce domaine, et pour les stérilets au cuivre, donc non hormonaux, on a un recul de 40 ans. Alors, quitte à ne pas prendre d’hormones…
Quid de la pilule masculine ?
M.W : Elle ne sera pas disponible de sitôt. Prévenir une grossesse est simple : on endort l’ovulation avec la pilule en imitant l’état physiologique, “naturel” de grossesse ou on empêche le passage des spermatozoïdes avec le stérilet au cuivre ou le stérilet hormonal.
En revanche, stopper la fabrication des spermatozoïdes à la source est compliqué : les hommes en fabriquent en permanence. Le seul moyen de l’empêcher, c’est de leur administrer des progestatifs et des androgènes pour maintenir la libido.
C’est beaucoup plus lourd, avec des effets secondaires plus importants et au moins aussi dangereux que ceux (rares) de la pilule. Or, on veut que les hommes participent librement à la contraception, on ne veut pas les tuer ou les rendre impuissants”.