
Les cinq cancers les plus mortels en 2018 sont le poumon, le colorectal, l’estomac, le foie et le sein. Les chiffres attestent un croissant constant depuis des années. À l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le cancer, nous avons donné la parole au Dr Sahiboullah Sohawon, médecin oncologue spécialisé en soins palliatifs à la Clinique Darné, Floréal.
Quels sont les principaux types de cancer ?
Selon l’étude GLOBOCAN 2018 de l’OMS, 18.1 millions de nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués en 2018 avec 48.4% des cas en Asie, 23.4% en Europe, 21.0% en Amérique du Nord, 5.8% en Afrique et 1.4% en Océanie. Les 5 cancers les plus fréquemment diagnostiqués dans le monde en 2018 pour les deux sexes sont le poumon (11.6% et 2.094 millions de cas), le sein (11.6% et 2.089 millions de cas), le colorectal (10.2% et 1.8 million de cas), la prostate (7.1% et 1.3 million de cas) et l’estomac (5.7% et 1.0 million de cas). Tandis que les cinq cancers les plus mortels en 2018 dans le monde sont le poumon (18.4% et 1.8 million de décès), le colorectal (9.2% et 881 000 de décès), l’estomac (8.2% et 783 000 de décès), le foie (8.2% et 782 000 de décès) et le sein (6.6% et 627 000 de décès).
Quelle est la cause du cancer ?
Le cancer est dû à des erreurs de recopiage de l’ADN (mutations) qui ont lieu lors de la division des cellules normales. Ces cellules normales sont dites transformées avec acquisition d’une résistance à la mort cellulaire programmée (appelée APOPTOSE), entre autres. L’erreur de recopiage survient, car des protéines spécifiques ont échoué dans leur tâche de surveiller le génome.
Ainsi, on dénombre deux différents types de mutations avec, d’une part la perte de fonction des gènes suppresseurs de tumeurs (GST), et d’autre part le gain de fonction des proto-oncogènes, devenant des oncogènes. Ces gènes dirigent (driver mutation) le cheminement des cellules transformées avec au passage, l’acquisition de nouvelles mutations (passenger mutation) rendant les cellules cancéreuses résistantes à la chimio-radiothérapie.
Les causes du cancer sont multifactorielles : globalement pour 10%, la cause est héréditaire (transmission de gènes défectueux de génération en génération) et globalement pour 90% des cas, la cause est liée à l’environnement. Celui-ci englobe nos habitudes alimentaires, notre habitat, notre lieu de travail et l’activité physique (le sport). On retrouve dans notre environnement, l’exposition à certains virus responsables de certains types de cancers. Par exemple, le HPV (Human Papilloma Virus) pour le cancer du col de l’utérus et l’oropharynx. Également dans notre environnement de travail, l’exposition à l’amiante (asbeste) amène au mésothéliome.
Quels sont les facteurs de risque ?
Les facteurs de risques diffèrent en fonction du type de cancer. Le cancer pulmonaire par exemple, est dû à la consommation du tabac ainsi que le cancer de la vessie, des cordes vocales et l’œsophage (pour le type dit carcinome épidermoïde). Le cancer du col de l’utérus et de l’oropharynx (la gorge) est dû au virus HPV. Une infection par le virus EBV (Epstein Barr Virus) amène au lymphome de Burkitt.
La surconsommation des aliments salés et séchés, voire crus, augmente le risque du cancer de l’estomac, ainsi que la gastrite chronique et l’infection à une bactérie appelée Hp (Helicobacter pylori). L’exposition aux rayons UV amène au mélanome et le carcinome spinocellulaire (deux formes différentes de cancers cutanées). Le manque d’activité physique avec le surpoids amène à différents types de cancers, tels que le rein, le pancréas et le sein.
Quelles préventions ?
Manger sainement (riche en protéines végétales, pauvre en sel et en graisses saturées d’origine animale avec un apport hydrique suffisant et des vitamines), pratiquer une activité physique (un sport quelconque), réaliser des bilans de santé régulièrement, participer aux campagnes de dépistage (en fonction des pays) et être attentif aux changements du fonctionnement de notre corps (ex. douleur apparue progressivement avec perte de poids).
Qu’en est-il des traitements et des dernières innovations pour lutter contre le cancer ?
Il existe trois piliers de traitement du cancer : la chirurgie (connue depuis l’époque des pharaons d’Égypte via le papyrus de Smith où le grand vizir Imhotep vers 2625 av-JC décrivit 48 cas médicaux, dont un sur la chirurgie du cancer du sein*), la chimiothérapie (conçue après la 1ere guerre mondiale avec le gaz moutarde) et la radiothérapie (avec la découverte des rayons X en 1895 par Wilhelm Roentgen et la radioactivité par Henri Becquerel en 1896 et les travaux du couple Pierre et Marie Curie). De nos jours, on compte sur l’hormonothérapie, car certains cancers sont dits hormonaux dépendants comme le cancer de la prostate et le sein. Ce sont des médicaments qui sont administrés soit par voie orale soit par voie intraveineuse afin de provoquer la mort des cellules cancéreuses.
Récemment, en modifiant la réponse immunitaire aux cellules cancéreuses, s’est développée l’immunothérapie, d’abord dans certains lymphomes, le mélanome et actuellement, le cancer pulmonaire. La prise en charge moderne du cancer se fait en Comité de Concertation Pluridisciplinaire d’Oncologie où des médecins spécialistes en radiothérapie, oncologie médicale, chirurgie, médecine nucléaire, radiologie, soins palliatifs et anatomopathologie s’assoient autour d’une table et discutent de chaque cas individuellement. La prise en charge du cancer ne doit plus se faire par un seul médecin.
* Ref.: The Emperor of All Maladies – a biography of Cancer, Prof. Siddhartha Mukherjee, 4e edition.
Pour les patients qui vivent pendant des années avec le cancer, quels sont les soins palliatifs existants ?
Il faut d’abord distinguer les patients qui ont eu un cancer détecté au stade précoce et traité convenablement et qui sont dits en rémission complète pendant des années, par rapport à ceux qui ont eu moins de chance, leur cancer a été diagnostiqué à un stade avancé (état dit métastatique) où une rémission complète, voire partielle, est peu probable et avec l’évolution inexorable de leur cancer, amène ces derniers à bénéficier des soins dits palliatifs.
Cette approche pluridisciplinaire, comprenant un cancérologue spécialisé en soins palliatifs, un psychologue, un physiothérapeute, un nutritionniste, un logopède voire un stomathérapeute, s’occupe du patient métastatique voire en fin de vie, de soulager ses symptômes physiques tels que la douleur osseuse cancéreuse, de soulager ses angoisses et autres détresses psychologiques, tout en épaulant les membres de la famille du patient qui souffrent également.