
L’intelligence artificielle peut se révéler précieuse dans la bataille contre le cancer, ont plaidé des chercheurs réunis à la Toulouse Oncoweek, congrès international d’experts et cancérologues qui se tient jusqu’à vendredi dans la ville rose.
Mais “on en est au début”, insiste le pathologiste Camille Franchet, soulignant que les “modèles méritent encore une validation clinique prospective, c’est-à-dire dans la vraie vie”.
L’IA s’impose désormais comme un outil incontournable à la médecine. “Il ne faut pas en avoir peur”, exhorte le Pr Julien Mazières, onco-pneumologue au CHU de Toulouse, qui coordonne un projet national sur le cancer du poumon. “Les médecins doivent l’intégrer, comprendre comment elle fonctionne pour la maîtriser et en faire un outil utile, pas concurrent”, dit-il à l’AFP.
Chaque patient génère des milliers voire des millions de données – cliniques, imagerie, microscope, ADN – qui une fois protégées au niveau réglementaire, sont compilées par l’IA pour en tirer des outils permettant de mieux comprendre la biologie des tumeurs, de prédire l’agressivité d’une maladie ou encore l’efficacité d’un traitement.
– Mieux anticiper l’agressivité d’une tumeur
A l’Oncoweek, le Dr Franchet a expliqué comment améliorer la lecture des prélèvements de cancer du sein en utilisant, en plus de l’oeil humain, des machines, qui arrivent à trouver des signes marquant le diagnostic et l’agressivité d’une cellule cancéreuse.
“Les modèles de machine learning et d’IA vont identifier des corrélations entre les images microscopiques ou radiologiques et quelque chose qui nous intéresse: par exemple la rechute, la réponse au traitement ou la survie des patients”, déclare à l’AFP le pathologiste à l’Institut universitaire du Cancer Oncopole de Toulouse.
On est au stade de “l’assistance au diagnostic, à la quantification”, précise-t-il, soulignant comment l’IA permet de trouver des “biais” pour ne pas “tomber dans les pièges dans la vraie vie”.
“L’IA, je la vois comme un fournisseur d’hypothèses de recherches, qui va nous proposer énormément de corrélations possibles, et nous, on doit faire le tri dans ce qui est biologiquement et médicalement pertinent”.
– Evaluer les stratégies thérapeutiques
L’IA joue aussi un rôle central pour créer des modèles sur la médication et anticiper de potentiels effets secondaires d’une thérapie.
Pour le laboratoire privé Evotec à Toulouse, le chercheur Andrei Zinovyev a expliqué à l’Oncoweek comment avec toutes les données qu’il récupère, il peut arriver via l’IA à faire des tests pour évaluer des stratégies thérapeutiques. Les modèles in silico (créés au moyen de calculs complexes) sont devenus “plus importants que jamais pour créer des répliques informatiques des processus biologiques utilisés dans la vraie vie”, selon sa présentation.
“L’IA peut nous dire +il vaut mieux arrêter là+”, explique le scientifique à l’AFP. Et “peut-être que l’on peut envisager alors une autre hypothèse qui sera plus prometteuse, plus sûre, avec moins d’effets secondaires”.
“C’est très important”, dit-il, “parce que si l’on voit qu’il y a des risques de sécurité dès le départ, nous n’irons pas au stade des études sur les patients”.
– Améliorer le traitement du cancer le plus agressif du cerveau
Depuis quatre ans, l’Institut de recherche de Toulouse Saint-Exupéry et l’Oncopole Claudius Regaud travaillent sur le potentiel que présente l’IA pour le traitement du glioblastome, la forme la plus agressive du cancer du cerveau, caractérisé par un pronostic vital sombre et des options de traitement limitées.
“L’IA verra des données que les médecins ne pourront pas voir en une vie entière. Et elle, elle fera le lien en quelques heures sur des bouts de gène, sur des bouts d’images et déterminera ce qui les lie entre elles”, se félicite Ahmad Berjaoui, expert en IA à l’IRT Saint-Exupéry.
Le chercheur a présenté à l’Oncoweek des modèles capables d’analyser des multitudes de données et de prédire des critères cliniques, permettant un pronostic plus précis et un traitement personnalisé des malades de ce cancer complexe.
“Si un jour, on arrive à bien prédire les effets secondaires, ce qu’on espère faire, le médecin pourra personnaliser le traitement, décider par exemple, pour un patient à qui il reste beaucoup de temps, de ne pas forcément appliquer des traitements très agressifs. Et vice versa”, explique-t-il.
“On espère que dans quelques années, peut-être cinq ans grand maximum, on pourra voir l’utilisation de l’IA au quotidien pour aider le médecin à prendre des décisions”.